Frère Félix Fabri, Dominicain de la fin du XVe siècle, a laissé un riche témoignage de son voyage en Orient dans un monumental Evagatorium, où se côtoient et se mêlent observations nées de l’expérience et commentaires suscités par une vaste érudition éclectique. Dans le tome I (traités 1 et 2), le moine nous faisait suivre sa route d’Ulm à Venise, où il accomplissait en mai 1483 les rites d’un premier pèlerinage. Dans ce tome II, il s’arrache du rivage une nouvelle fois pour une croisière en Méditerranée et restitue au jour le jour, avec son naturel piquant, les émotions et les sensations, les joies et les déceptions du mois de juin. Les escales se succèdent alors au gré des vents, réservant, jusqu’à Jaffa, autant de bonnes que de mauvaises surprises : villes de Dalmatie, îles de Corfou, de Crète, de Rhodes, de Chypre, lieux dont Fabri nous a laissé de précieuses images, saisies à son époque (traité 3). Après la mer et les tracasseries douanières, le voyage continue sur terre, avec la course à dos d’âne qui conduit les pieux étrangers de Jaffa à Jérusalem en passant par Rama. Aux réalités médiévales de l’Orient (paysages et habitants), rendues avec art et parfois humour, l’auteur ajoute ses propres méditations spirituelles sur le pays de la Bible qu’il scrute avec ferveur. Puis la sainte Cité de Jérusalem est arpentée au pas d’un pèlerin qui anime ses Lieux saints des figures bibliques les ayant jadis peuplés (traité 4, première partie). Les temps de la mémoire universelle et du souvenir personnel s’entrecroisent subtilement dans la construction littéraire, et l’implication enthousiaste du voyageur confère au récit une vitalité singulière.

Ceux qui ont aimé le héros du premier tome des Errances de Frère Félix retrouveront ici le marcheur de la foi, le savant lettré et le conteur plein de charme, tout à la fois auteur et acteur de sa propre aventure.